Sacré hier soir au terme d’une soirée où le malaise a régné en maitre, Luka Modric a reçu le Ballon d’Or 2018. Malgré plusieurs rumeurs ces dernières semaines annonçant le sacre d’Antoine Griezmann, les journalistes de France Football ont élu le milieu de terrain croate du Real Madrid. Cependant, cette consécration et ce classement restent soumis à beaucoup de critiques car certains estiment que les statistiques de Modric ne sont pas en accord avec la définition même d’un Ballon d’Or. Vraiment ?

(Photo by FRANCK FIFE / AFP)
Une année conforme au règlement
Puisque tout le monde a sa propre idée de la définition d’un Ballon d’Or, il est préférable de revenir sur le règlement de ce trophée pour bien cerner le sens des votes. Trois critères principaux sont donnés pour évaluer le Ballon d’Or France Football. 1-Les performances individuelles et collectives (palmarès) durant l’année considérée. 2-La classe du joueur (talent et fair-play). 3-La carrière du joueur. Tous les autres critères sont rentrés dans l’inconscient collectif mais ne font pas partie du règlement. Donc on ne récompense pas le meilleur joueur du Monde en décernant le Ballon d’Or mais on récompense le joueur ayant réalisé la meilleure année civile selon les 3 critères décrits précédemment. Enfin, si on essaie de coller à la définition du règlement, Modric a remporté la Champions League et disputé la finale de Coupe du Monde. Il a affiché toute sa classe durant ces deux compétitions majeures et enfin sa carrière et sa régularité depuis cinq ans parlent pour lui. Il correspond en tous points à la définition même du Ballon d’Or France Football tel qu’il a été crée.
Pas le profil attendu
Dix ans que la planète football attendait ça. Qui va succéder aux deux monstres Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Si beaucoup d’observateurs auraient davantage misé sur un Neymar ou un Griezmann pour déloger les 2 phénomènes, le contexte de l’année 2018 excluait de fait Neymar, auteur d’une saison décevante avec le PSG et le Brésil. Pour Griezmann, les choses sont différentes. Sa fin de saison en club et son Mondial remporté avec les Bleus auraient pu faire la différence aux yeux des jurés. Mais force est de constater que l’Europa League n’a pas la même signification chez les journalistes de France-Football que la Champions League et surtout la victoire française au Mondial n’a pas été associée directement aux performances de Griezmann mais davantage à celle du collectif voire à Kylian Mbappé. En choisissant Modric, France Football prime un joueur différent, à une place plus reculée sur le terrain qui ne déçoit jamais et qui est à l’origine d’un nombre incalculables de situations dangereuses. Forcément, un milieu de terrain relayeur state moins qu’un CR7 ou un Messi. En est-il moins indispensable pour autant ? Là est toute la question…
Un bilan statistique trop faible ?
Véritable argument numéro un des « anti-Modric », son manque évident de statistique. Il suffit de regarder son année 2018 pour le constater. 56 matchs disputés toutes compétitions confondues, 11 passes décisives et 3 buts. Une hérésie à l’heure où la moindre partie d’un match est analysée avec une tonne de statistiques. Cependant, le football ne se résume pas qu’à des chiffres d’efficacité. Sinon Gerd Muller aurait eu tous les Ballon d’Or des années 70 devant Cruyff ou Beckenbauer au regard de ses statistiques incroyables. Que l’on puisse reconnaitre un manque d’impact dans le dernier geste de la part de Luka Modric, c’est une réalité. Mais dans le système de jeu du Real Madrid de la saison dernière, le Croate n’était pas attendu dans la zone de vérité. Lorsqu’on a dans son équipe Cristiano Ronaldo, on s’efface aux 30 mètres pour lui céder le ballon afin qu’il fasse la différence. Logique à ce niveau là que Modric ne totalise pas 15 buts et 20 passes décisives par saison. Toutes ces informations ne sont pas précisées au moment de lire les fameux chiffres de la saison du Croate. Mais en décortiquant, on s’aperçoit rapidement que dans le football de 2018 avec les qualités de Modric et les équipes dans lesquelles il évolue, il est presque impossible pour lui de stater davantage.
Un vrai joueur collectif
Formé comme meneur de jeu, Luka Modric s’est très vite retrouvé au cœur du jeu à une position plus reculée. Plus à l’aise dans un poste de relayeur dans un milieu à 3, sa capacité technique à se sortir de petits espaces a toujours enthousiasmé les amateurs de ballon de tous bords. Doté d’une vision du jeu largement au dessus de la moyenne, sa formation de numéro 10 lui a donné ce sens de la passe. Capable de jouer en première intention ou à l’inverse de ralentir le jeu quand il le faut, il est un vrai régulateur pour les équipes où il joue. Son profil et son taille ne lui permettent pas de dominer le jeu aérien ou d’être un monstre physique. Compensant ces faiblesses par une intelligence de jeu exceptionnelle, il sait toujours quoi faire avec le ballon. Très souvent, il a un ou deux joueurs sur le dos au pressing mais la majeure partie du temps, Modric se retourne évite le contact et passe le ballon à un coéquipier démarqué. Des gestes compliqués rendus simplissimes par le Croate. Sachant pertinemment qu’il ne peut pas faire la différence à lui tout seul, Modric a compris que c’était grâce au collectif qu’il pourrait progresser et devenir ainsi indispensable à son équipe. Un choix collectif qui paye à l’heure où le football tend à s’individualiser…
Héritier des Xavi, Iniesta, Pirlo, Sneijder…
Évidemment le Ballon d’Or ne doit pas récompenser une carrière. Si ce critère reste important comme on a pu le constater dans le règlement, le trophée n’est pas là pour couronner une carrière. Mais ces dernières années plusieurs joueurs n’ont pas été récompensés alors qu’ils présentaient des profils similaires à Luka Modric. On pense à Andrea Pirlo dans les années 2000 mais aussi aux barcelonais Xavi et Iniesta à cette même période ou encore à l’Hollandais Wesley Sneijder en 2010. Certes, à l’époque Sneijder était placé plus haut sur le terrain mais son sens du collectif rappelle instinctivement celui de Luka Modric. Quand on sait par exemple qu’en 2010, les journalistes avaient voté Sneijder au contraire des joueurs qui avaient élu Lionel Messi, on peut y voir une sorte de revanche de l’Histoire vis à vis des joueurs offensifs. Toujours placés mais jamais gagnants, ces milieux de terrain ont marqué à leur échelle le football des années 2000. Un Ballon d’Or les aurait surement fait entrer dans la légende. Indirectement, Luka Modric les représentera dans le panthéon des grands milieux de terrain de l’Histoire du Football. A sa façon. Technique et collectif. Deux bases du ballon,non?
Le classement officiel du Ballon d’Or 2018
Le classement officiel du Trophée Kopa 2018
Le classement de la rédaction du Ballon d’Or 2018